Reportage effectué le 6 Décembre 2002, à Saint-Étienne (Loire)
JOURNÉE D'INTERVENTION DANS LE TRAMWAY, Saint-Étienne (42) dans le cadre de la Journée Mondiale ONUSIDA 2002
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reportage ici divisé en 5 PLAGES
Plage 4
avec Jean-Marie, de l'association Actis (antenne Saint-Étienne)
Jacques (CCS-Lyon) : Est-ce que tu dirais que les gens qui sont venus ici, par eux-mêmes, suite au petit questionnaire qu'ils ont eu dans le tram, sont venus notamment avec des questions, une curiosité sur le préservatif féminin ?
Jean-Marie : Très peu mais il y en a eu ! Ouais, surtout le premier groupe. Alors là le premier groupe, en plus c'est un monsieur qui était du Kosovo, qui m'a dit "J'ai entendu dire qu'il y avait des préservatifs exprès pour les femmes". Et j'en avais prévu un, et je leur ai montré. Alors par contre, ce que je peux vous dire c'est qu'ils ont été, euh, scotchés sur la chaise. Ah ils ont été très choqués ! Il y a même eu une jeune fille, je crois russe, un peu asiatique, elle m'a dit "Mais c'est pas possible, vous voyez la grandeur, mais jamais une jeune femme peut contenir tout ça !" Je lui ai dit Ben apparemment oui. Je lui ai fait quand même une démo, parce que moi j'ai pris le truc maintenant, c'est assez rigolo je mets ma main en forme de vagin, je fais rentrer l'anneau tout ça. Alors c'est assez convaincant, mais elle m'a dit : ça fait rien, quand même ! Et là le mot c'est pas moi qui l'ai dit, elles l'ont dit : C'est terrible ce truc !
VOIX OFF OUI IL Y A UNE MÉCONNAISSANCE DU CORPS DES FEMMES puis [virgule musicale/texte "j'étais vraiment euh surinformée ça c'est clair et je savais très bien que euh faut pas avoir de relation sans préservatif pourtant j'l'ai fait, c'est vrai que je me suis posé la question pourquoi ? c'est vrai qu'après je me suis dit plus jamais je m'suis dit plus jamais plus jamais plus jamais...]
Jean-Marie : Parler du préservatif en premier maintenant ça sert plus à rien, parce qu'ils l'entendent pas, ça. Ils vont vous dire On le sait. Bon, c'est clair que dans les jeunes il y en a peut-être la moitié qui en ont peut-être même jamais vu ou qui ne s'en sont peut-être jamais servi. Et c'est assez rigolo ce truc, parce que, on a eu ECS qui est venu, c'est Ensemble Contre le Sida, ils sont venus faire un reportage sur un établissement ici et on a été choisi sur le territoire pour faire ce reportage. Et on est allé au CFA du Bâtiment, là, qui est derrière la rue de l'apprentissage. Puis, même ECS ils ont été soufflés, on avait un jeune qui était là qui nous disait Ouais m'sieur moi je connais le préservatif, machin etc. Et puis on parlait de date de péremption, comment le poser, etc machin tout ça. Et il fait Mais moi de toute façon il est bien à l'abri, mon préservatif. Bon, effectivement il l'a sorti d'un portefeuille. Je fais Je peux le voir ton préservatif ? je dis Il est encore bon ? Il fait Oui oui. Alors quand je l'ai regardé le préservatif, déjà l'emballage était ouvert, il s'en était pas rendu compte. Effectivement la date était toujours bonne, mais il était sec, dedans. Je dis Et bin mon p'tit, si tu t'étais servi de ça, à mon avis t'aurais gagné le pompon mais alors tu l'aurais eu haut, là ! Le jeune il était... il s'est involontairement mis dans une situation pas possible. Alors bon, on a toujours ce truc on lui dit Ecoute c'est courageux d'avoir dit que tu avais un préservatif, et de l'avoir montré, parce que à mon avis tout le monde rigole mais tout le monde n'est peut-être pas capable d'en faire autant. Alors on lui a donné des préservatifs en échange et on lui a dit Mais contrôle bien que l'emballage soit complèment tout le temps hermétique, autrement ça sert à rien !
VOIX OFF vous allez dans l'établissement on vous annonce C'est une soirée NO LIMIT, pas d'capote [echo capote]
Jean-Marie : La plupart du temps les personnes qui ont ces pratiques ce sont déjà des personnes contaminées. Et ça peut s'expliquer, aussi, je pense. Enfin moi je parle comme ça parce que j'ai cotoyé beaucoup de gens contaminés, j'en cotoie, et c'est difficile. C'est difficile, et puis il arrive un moment où ils se disent de toute façon y'a rien qui marche, le traitement... il y a beaucoup de gens en échappement thérapeutique, parce que ça on oublie de le dire aussi, souvent. En échappement thérapeutique, et bien la personne se dit perdu pour perdu qu'est-ce que je risque ? plus rien maintenant. Et là ils n'incriminent personne ! Au contraire, la plupart du temps ces gens sont reconnaissants par rapport au monde médical, parce que le monde médical pour eux ils estiment qu'ils ont fait tout ce qu'ils avaient pu, et qu'un médecin n'est pas responsable de ce qu'un traitement ne marche pas. Il y a ça aussi, c'est dramatique pour les médecins aussi, ça, ce système de... bin oui, parce qu'un médecin c'est quoi, son truc c'est de soigner les malades, une personne, et de la guérir, et là ils peuvent rien faire. Nous, même une personne qui est Rmiste ou qui n'a pas de fric elle est prise en charge automatiquement, en tous cas pour ce qui concerne le VIH et tout ce qui incombe à la pathologie VIH. A 100%. Le reste, l'appartement et tout ça, ça c'est autre chose, c'est un problème social, de société, machin, tout ce qu'on voudra...
Jacques (CCS-Lyon) : À la limite on peut l'analyser au contraire, c'est-à-dire ce type de comportement de transgression [nbb: de type du No Limit] d'inconduite sociale, ils sont bien à mettre en rapport avec le discours qui est le discours ambiant, le discours légitime, sur la protection. Ce sont des gens qui vont, d'une certaine façon quand même, même s'il y a des gens qui sont en situation de désespérance et de désespoir et qui vont le manifester de cette façon-là, il y a quand même beaucoup de gens qui en agissant de cette façon-là, les soirées No limite, le bareback, le cul-nu donc sans capote de la même façon, (vont) érotiser la transgression ! Érotiser la transgression de limites qui sont posées justement parce qu'on a une politique sanitaire conséquente. On ne pourrait pas imaginer ça dans un contexte où effectivement il n'y aurait aucun discours sur la prévention, sur ce qui est la façon normale, légitime, de pouvoir se comporter sexuellement