Traversé par les mots. Traversé par le temps. Les mots et le temps dont on sait depuis toujours qu'ils définissent la littérature. Au temps du sida, chacun mesure ses mots au risque du désir, des hommes et de la mort
Risque qu'il partage avec ceux qui l'expriment dans sa vérité la plus crue, ceux que l'on nomme écrivains
Ces mots du temps que nous lisons dans les livres nous traversent comme des flèches, nous crucifient à notre désir et nous sauvent à la fois. L'expérience du désir, des hommes, de la mort. DAMÉI les a lus. Il ne les a pas seulement lus. Leurs mots sont l'intime vérité de son temps et du nôtre. Le chiffre de ces quinze années écoulées tient en quatre lettres. Quatre lettres ésotériques. Quatre lettres qui furent pour beaucoup d'hommes un destin,

• S I D A

À travers eux c'est sa vie qui parle. Sa jeunesse. Ses amours. Ses espoirs. Ses regrets. À travers sa vie, d'autres vies dressent leur ombre. Nous traversent.

• Daméi chante par sa voix les voix de tous ces hommes, à nu. Vers la sincérité inespérée du chaos.
  Opéra de ces destins innombrables et muets, l'Homme Traversé est un chant d'amour.

Michel Vignard

Ceux qui connaissent DAMÉI retrouveront ici les personnages, les lieux, les mots et les accents qui leur sont familiers. Mais L'Homme Traversé nous entraîne vers d'autres rivages : c'est à un véritable voyage intérieur que nous sommes conviés, plein d'harmonies et de fureurs, de nuit et de soleil. Qu'on y lise un hommage aux écrivains morts du sida, le récit d'une initiation intime, charnelle et spirituelle, où le roman familial devient celui de chacun d'entre nous, L'Homme Traversé traverse lui-même un monde où l'amour et la violence, la mort et la beauté se dédoublent et s'entremêlent, au gré d'une valse hésitation entre frénésie du sexe et don de l'âme.
L'humour macabre de plus que la peau sur les os y cotoie les agenouillements de lumière sublime d'il n'a plus d'encre à perdre
Comme toujours chez DAMEI, adepte en cela d'André Breton, "les mots font l'amour", s'engendrent et se séparent, s'accouplent en se heurtant, s'éloignent et se retrouvent en une communion mutuelle et incessante
Mais ils ne sont plus seuls à jouer dans ce spectacle total : la chorégraphie de Sylvie Guillermin et la mise en scène de Chantal Morel viennent leur donner comme un surcroît de vigueur. La danseuse se fait ici l'ombre et le double du chanteur, à la fois gardien fidèle et obscur démon, tour à tour complice et rebelle. Les compositions originales de Laurent Jacquier exaltent les contrastes de cette poésie aux ailes bruissantes : avec la complicité de l'orchestre de Chambre de Grenoble, allié au piano d'Agnès Fesquet, elles confèrent à cette création sa profonde originalité
En parfait osmose avec tous ceux qui l'accompagnent et le portent, le chant de DAMÉI s'ouvre par eux à des horizons nouveaux, il donne comme à voir son indicible poids de rage et de nostalgie, quand le coeur traversé brutalement, se serre ou s'évade, s'extasie et s'envole
Alain Guyot